LES CARACTÉRISTIQUES DE LA SÉRIE FANTASTIQUE

Procédés de mise en scène particuliers dans la série fantastique

La série télévisée fantastique utilise une mise en scène particulière pour mettre en relief des instants scénaristiques cruciaux que le spectateur sera à même de saisir.
La place de ces séquences dans les épisodes, voire les saisons, n'est bien entendu pas choisi aléatoirement.

Dans les exemples que nous convoquons, on remarquera que celles-ci se situent toujours en fin d'épisodes.

Ces instants sont souvent mis en lumière par le recours au travelling arrière (prenant généralement pour point de départ un personnage central) permettant de mesurer l'intensité de la mise en scène et de la narration.

Ce procédé, nous choisissons de le nommer « paroxysme dramatique ». Il nous apparaît être une donnée fondamentale en ce qui concerne l'esthétique de la série télévisée fantastique et peut revêtir différentes formes (travelling arrière, absence de son, etc.) qui ont toutes pour point commun de provoquer une réaction chez le spectateur tant ce qu'il dévoile est intense dans la narration (révélation, mort d'un personnage, retournement de situation, acte symbolique, danger imminent, ou autre).

Dès lors, cette mise en scène propre à la série télévisée fantastique se retrouve intrinsèquement liée aux fonctions thymiques précédemment commentées. Ainsi, on note dans Game of Thrones l'utilisation récurrente d'un travelling arrière en fin de saison afin de mettre en lumière et de sublimer ce moment.

À la fin de la première saison, Daenarys se jette dans le bûcher où se consume le corps de son époux Khal Drogo.
Sir Jorah a tenté de l'en empêcher, mais le spectateur sait, à partir de quelques indices dissimulés dans les épisodes précédents, que la Khaleesi est du sang du dragon, et ne craint ainsi pas le feu.

À la faveur d'une ellipse, nous découvrons alors la jeune femme, nue, au milieu des cendres et de la fumée, et qu'apparaissent trois minuscules dragons accrochés à elle comme à leur mère. Sir Jorah est médusé et le reste des hommes et femmes du Khalassar, ceux qui ont choisi de suivre et de rester avec Daenarys, également.

La caméra effectue alors un travelling arrière permettant au spectateur de comprendre l'ampleur de cette « révélation ».
Sir Jorah pose un genou au sol en signe de soumission, et un à un, tous les personnages restant font de même. Le travelling (couplé à une musique symphonique et épique), prenant pour point de départ la jeune femme, s'en éloigne afin de montrer le pouvoir qui émane à présent d'elle : Daenarys n'est plus uniquement la Khaleesi de Khal Drogo, elle est devenue à présent Mère des dragons, et par voie de conséquence, reine légitime des Sept Couronnes. (Voir l'exemple dans la série Disparition de la fin de l'épisode 1)

À la fin de la deuxième saison qui se situe au-delà du Mur, dans les plaines enneigées, le son du cor des Veilleurs sur le Mur se fait entendre trois fois, signe que les Marcheurs Blancs sont en approche.
Et en effet, l'un d'eux apparaît sur sa monture en putréfaction derrière Sam Tarly. La caméra se focalise alors sur le monstre qui lance une attaque, dans un cri de guerre suraigu, contre les Hommes.
Afin de montrer l'étendu de la menace que l'on n'avait pas encore mesurée, la caméra s'éloigne de ce mort-vivant-repère pour passer d'un plan très rapproché sur son visage à un plan grand ensemble nous dévoilant la horde des morts en marche.
Le paroxysme dramatique est alors à son maximum puisque tout comme Sam Tarly, le spectateur découvre que la menace était bien réelle et qu'elle est d'ailleurs plus importante qu'elle ne se laissait voir. Il serait possible de détailler encore davantage d'exemples tant Game of Thrones use de ces procédés : la musique épique et les plans d'ensemble grandioses lorsque Daenarys sort d'Astapor avec sa nouvelle armée d'Immaculés
ou l'impressionnante séquence où Drogon vient la secourir dans l'arène de Meereen et qu'elle s'échappe dans les airs sur son dos ... Le recours au paroxysme dramatique semble être intimement lié à la fonction du fantastique dans les œuvres sérielles.

C'est bien la mise en scène particulière des séries fantastiques, tout en mouvements grandioses de caméra, en jeu sur les différentes échelles de plan, sur l'utilisation de la musique et des silences, sur le montage qui permet de créer ce paroxysme dramatique et de lui donner cette force.

Les silences ont d’ailleurs cette fonction dans Buffy contre les vampires.
Lorsque Quentin Travers révèle à Buffy que Glory n'est pas un démon mais une déesse (« L’inspection », saison 5, épisode 12), une mise en scène traditionnelle aurait mis en avant cette phrase par le recours à un glissando sonore comme c'est le cas dans la majeure partie des épisodes des séries à suspense.

Mais ici, afin de renforcer davantage ce secret et en montrer toute la portée dramatique (comment Buffy peut-elle rivaliser avec un dieu ?), la mise en scène choisit d'en prendre le contrepied en coupant toute musique extra-diégétique, comme pour signifier que Buffy en reste coi.

Elle ponctue simplement la fin de l'épisode par un « oh » et le carton final sur fond noir résonne alors par la présence du vide, ne laissant plus que l'intensité dramatique faire sens pour le spectateur.