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UN VOYAGE DANS LE MONDE DE L'ART

Fine et élancée, Claire est marquée par une palpable fragilité.
Le dessin de son cou, de ses mains n’imite pas la réalité. Sa chaire blanche se détache de ses vêtements sombres, ce qui la fragilise d’avantage encore. L’ovale de son visage est épuré, les traits simplifiés. Elle semble avoir été dessiné avec une infinie tendresse.
En la créant, le peintre a peut-être pensé aux portraits de femmes de Modigliani.
… le peintre, lors de la création de Claire, s’est peut être également inspiré des muses de Brancusi.
Lola est bien une Pafinie, mais ne pas être terminée ne lui paraît pas essentiel. D’ailleurs, à la fin du film, elle choisira de ne pas peindre le bas de sa robe. Elle est ainsi et s’accepte comme telle. Elle ne fait aucune différence entre ses compagnons, Toupins ou Reufs…
Lola ne dit pas pourquoi elle veut retrouver le peintre sinon simplement « pour le rencontrer ». Après cette entrevue, elle continuera a parcourir le monde.
Quand le peintre a créé Claire avec ses habits de couleurs et ses traits, on peut penser qu’il a songé à Gaugin et ses femmes Tahitiennes.
Les couleurs sombres du tableau sont associées au monde d’en bas, celui où vivent les Reufs, au fonds de la forêt, sans abris, cachés, invisibles...
Cette forêt semble faire peur, comme celles des contes pour enfants.

La démarcation nette du clair et de l’obscur fonctionne comme une frontière pour les uns et pour les autres. Ce photogramme le démontre parfaitement :
Cette frontière est pourtant transgressée dès le début : c’est ce qui vaudra à Gomme sa condamnation et son lynchage.

Plume et Gomme sont des esquisses de fusain : seuls leurs contours sont donc apparents. Ils sont fragiles et hésitants (Plume ne termine pas ses phrases et bégaie ).

Leur nom peut être dérivé de l’anglais « Rough » qui veut dire « brouillon ».
Le Reuf est donc une ébauche. Mais, contrairement à la place qui lui est attribuée au sein de la société du « Tableau », il est surtout une étape cruciale dans la création graphique d’un personnage.
Grâce à l’esquisse, le peintre recherche les lignes fortes de son œuvre future. Les étapes suivantes chercheront donc a en conserver la force.

Ainsi le sculpteur Giacometti pour qui le « dessin est à la base de tout ».
De grands artistes ont exprimé cette opinion sur leurs propres œuvres. Ils en avaient même tiré une théorie : « le non finito » de Michel-Ange ou « l’esthétique inachevé » de Rodin.
Certains portraits « non terminés » sont devenus célèbres comme ce « portrait inachevé de Bonaparte » peint par David.
Pour conserver cette énergie première de l’esquisse, les artistes adoptent souvent une méthode qui leur est propre.
Prenons l‘exemple du plus célèbre d’entre eux : Léonard de Vinci.
Il cherche, parfois plusieurs années, à ce que la forme achevée réussisse à préserver la dynamique originelle pour en transmettre le sentiment premier.
Léonard détermine la disposition générale grâce à ce qu'il appelle le componimento inculto («composition inculte»), une méthode inédite. Un brouillon instinctif qui laisse parler la main, superposant les idées et les lignes jusqu'à ce que le principal émerge.
Il travaillera ainsi 16 ans sur sa « vierge à l’enfant », la considérent encore inachevée à sa mort en 1519.

En voici différentes étapes de travail :
On comprend maintenant mieux pourquoi, pour notre peintre, son tableau est bel et bien terminé : avoir dessiné les personnages est l’essentiel et « le fini » ou « pas fini » n’a pas vraiment de sens pour lui : le croquis a autant d’importance que l’œuvre finie.

La quête de nos personnages peut donc être pensé comme une « mise en abyme de la création », une métaphore de l’acte créatif. (cf à ce sujet les pistes pédagogiques de l'Académie de Poitiers (DSDEN 86) disponible sur le site du Normandie Images)