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SILENCE, ON ROULE TOURNE !

Grand film de cinéma…qui parle aussi du cinéma. Le film multiplie les mises en abyme pour rendre hommage au septième art.

Le vélo fait son cinéma

C’est le premier film de l’Histoire du cinéma saoudien. Alors, difficile de ne pas en parler… du cinéma et peut-être même des coulisses de la fabrication de ce film. La seconde vedette du film — ce beau vélo vert qui donnera son titre à l’affiche italienne (La bicicletta verde) — n’est pas un objet choisi au hasard. Débordant de références, il fait écho au cinéma de plusieurs manières. D’abord, d’un point de vue technique, cet engin qui fonctionne grâce au mouvement rappelle le dispositif cinématographique. Le cinéma restitue en effet le mouvement en projetant 24 images fixes par seconde. La forme des roues du vélo rappelle le mouvement circulaire de la bobine d’un film et le bruit fait écho à celui des premières projections.
On retrouve concrètement cette association avec l’invention en 1922 du ciné cycle par la société Gaumont.
Un objet dont Sylvain Chomet fait la part belle dans Les Triplettes de Belleville (2003). Le personnage principal, Champion, après avoir été kidnappé par de mystérieux hommes lors du tour de France, est installé sur un vélo pour y pédaler sans s'arrêter. Ses mouvements permettent d’animer la toile blanche face à lui.

Au-delà du point de vue technique, l’analogie entre le vélo et le cinéma est filée dans le film pour évoquer le plaisir et l’émerveillement des spectateurs. Par exemple, dans la séquence de la première apparition du vélo, le mur blanc fait penser à un écran de cinéma. Sur ce mur, Wadjda semble projeter son rêve, qu’elle écrit, invente, à la manière d’un film — un rêve d’émancipation, de liberté, d’indépendance. Pour une analyse plus détaillée de la séquence, on peut se reporter à ce lien : Au-delà du point de vue technique, l’analogie entre le vélo et le cinéma est filée dans le film pour évoquer le plaisir et l’émerveillement des spectateurs. Par exemple, dans la séquence de la première apparition du vélo, le mur blanc fait penser à un écran de cinéma. Sur ce mur, Wadjda semble projeter son rêve, qu’elle écrit, invente, à la manière d’un film — un rêve d’émancipation, de liberté, d’indépendance. Pour une analyse plus détaillée de la séquence, on peut se reporter à ce lien : http://transmettrelecinema.com/film/wadjda/#video

Cette séquence pourrait aussi faire référence à des films canoniques de genres bien différents. Par exemple, Jour de fête (1949), comédie savoureuse de Jacques Tati, où la bicyclette est à l’origine du burlesque. François, le facteur de campagne, s’est mis en tête de faire des tournées « à l’américaine », de les optimiser jusqu’à l’absurde. Dans une des séquences, le vélo semble rouler tout seul, comme dans le photogramme ci-dessus.

Le vélo semble avancer tout seul ou s’élever dans les airs.
Autre clin d’œil à un film populaire : E.T de Steven Spielberg (1982), qui mêle plusieurs genres (science-fiction, comédie, drame). Le vélo se projette sur un fond blanc créé par la lune. L’envolée en vélo rime ici avec évasion.

Faire du cinéma… au cinéma

La seconde mise en abyme porte sur les métiers du cinéma. Le film fait vivre les différents talents de cet art collectif. Il peut y avoir des références au métier de scénariste (la première étape de la création d’un film : l’écriture). Wadjda crayonne, écrit dans des carnets, invente, comme une artiste.
Le croquis du vélo dans le cahier fait penser à un story-board.
Abdallah ressemble parfois à un régisseur lumière quand il installe les lampions sur le toit-terrasse pour les élections de son oncle. Ces lumières créent un décor qui ressemble à celui d’un film le soir des élections.
La forme arrondie de l’antenne sur le toit-terrasse est semblable à celle des réflecteurs au cinéma.
Le film évoque aussi beaucoup le métier d’acteur. Car Wadjda, comme Waad Mohammed qui l’interprète, aime faire du cinéma. La fille effrontée joue en effet souvent la comédie. Elle fait semblant de pleurer devant Abdallah pour avoir 20 riyals ou d’être une fervente musulmane pour remporter le concours de tartil. Elle s’amuse aussi à singer ceux qui l’entourent : Mme Hessa criant « au-voleur » ou Abdallah cherchant à impressionner Iqbal.
Vêtue d’une abaya, Wadjda imite Mme Hessa qui elle-même joue le rôle d’une femme effrayée criant « au voleur ». Les rideaux à l’arrière-plan soulignent cette mise en abyme.
Le film met en évidence les difficultés de ce métier. Pour incarner son personnage (donner l’illusion), Wadjda travaille d’arrache-pied. Les lectures en classe du Coran pourraient refléter les répétitions des acteurs. Et si Mme Hessa insiste sur la diction pour bien psalmodier, sa mère lui dira que cela doit venir du cœur.

Des influences cinématographiques

Enfin, on peut relever différentes influences pour ce film. Wadjda n’est pas la première enfant qui conteste l’ordre social ou familial, et qui, à force de détermination, arrive à ses fins. Elle s’inscrit dans cette lignée de personnages cinématographique des films Billy Eliot de Stephen Daldry (2000), Rosetta des Frères Dardernne (1999),Les 400 coups de François Truffaut (1959), Le Gamin au vélo des Frères Dardenne (2011), Kes de Ken Loach (1969), Tomboy de Céline Sciamma, (2011), etc.

La thématique de la condition des femmes a aussi donné des films bien connus qui ont pu inspirer la réalisatrice. Par exemple, Les Femmes du bus 678 (2012) de Mohamed Diab. L’histoire se passe au Caire et raconte le quotidien de 3 femmes, issues de milieux différents, souvent victimes de harcèlement sexuel dans la rue, le bus… Chacune à leur manière, elles décident de sortir du silence.
Citons aussi Hors jeu de Jafar Panahi (2006). Ce film raconte les efforts de jeunes supportrices iraniennes pour aller voir un match de football. N’étant pas autorisées en Iran à aller sur un stade, elles usent de toutes les ruses possibles pour parvenir à leurs fins. Comme dans Wadjda, ce match de football devient une allégorie de leur liberté.