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Le tableau

Le tableau

LAGUIONIE, LE CRÉATEUR

Nous ne nous attarderons pas ici sur la présentation de Jean-François Laguionie, l’auteur du film. Nous vous invitons pour cela à vous reporter au dossier pédagogique « Collège au Cinéma » que vous pouvez télécharger sur le site de Normandie Images et sur ses entretiens filmés réalisés pour le site Transmettre le Cinéma

Nous nous contenterons donc d’évoquer quelques éléments biographiques élémentaires susceptibles d’éclairer la compréhension du "Tableau".
Jean-François Laguionie

Jean-François Laguionie

Jean-François Laguionie est né en 1939.
Dans sa jeunesse, après s’être intéressé au théâtre, il est élève de Paul Grimault (Le Roi et l’oiseau), dont il restera un fervent admirateur. En 1978, il est récompensé à Cannes pour son court-métrage "La traversée de l’Atlantique à la rame".
En 1985, pour obtenir une plus grande liberté artistique, il crée son propre studio « La Fabrique », à la fois maison de production et studio de réalisation.
Chacun de ses films fait l’objet en parallèle d’une publication (éditée chez Glenat).

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Le tableau : Une possible lecture sociale du film

Le tableau

UNE POSSIBLE LECTURE SOCIALE DU FILM

Une première lecture du film nous renvoie de manière évidente à une approche sociale du Tableau : on y rencontre en effet une société basée sur la discrimination.
« Possible lecture » puisque, sans la réfuter, Laguionie lui même ne la valide pas totalement : « Le tableau n’est pas (…) un film sur la cause du peuple. (…) Je suis conscient de la grille de lecture marxiste Toupins = riches, Pafinis = pauvres, reufs = sans papiers… C’est un niveau de lecture que je respecte tout à fait mais je suis très attaché à l’histoire d’amour »( cf dossier pédagogique en page 3)

Néanmoins, tout nous pousse à explorer cette lecture sociale que les élèves, même les plus jeunes, relèveront rapidement.

Nous tenterons dans le même temps de voir en quoi « la classe sociale » des personnages détermine leur comportement et comment le peintre a pu leur insuffler graphiquement une personnalité propre.
Nous examinerons enfin comment la composition sociale du tableau peut être considérée comme reflétant les différentes étapes de la création picturale : du Reuf au Toupin en passant par le Pafini.
première scène du film

première scène du film

Regardons ce photogramme extrait de la première scène du film. Lola nous présente le monde du tableau. Le monologue de Lola nous renseigne sur ses habitants. Il permet également à notre regard de se familiariser avec la toile, sa composition, son éclairage…

En haut, la lumière et en bas l’obscur :

Les couleurs vives et claires sont vite repérables : elles sont en hauteur et semblent illuminer l’ensemble. C’est le domaine des Toupins.
Les Toupins vivent dans ce château plein de lumières qui symbolise le pouvoir.

On pourrait rapprocher les Toupins de l’aristocratie. Ils sont habillés de très beaux vêtements. Il ne leur manque aucun détail. Ils se considèrent donc comme « achevés » (accomplis) et de ce fait supérieurs à ceux qui ne le sont pas.
Ils sont les maîtres d’une société où la moindre différence condamne l’individu. La justification en est simple : le monde est comme cela parce que le peintre l’a voulu ainsi.

Le premier représentant de cette société est le Grand chandelier : ses proportions révèlent sa suffisance et ses certitudes.
Le grand chandelier

Le grand chandelier

Son visage et sa morphologie pourraient êtres rapprochés des caricatures que Daumier fit de Louis-Philippe, transformé en poire, pendant la monarchie de Juillet.
le grand chandelier

le grand chandelier

Le grand Chandelier est conseillé par une « éminence grise » : le terne et bien nommé Monsieur Gris.
Monsieur Gris

Monsieur Gris

Mais il existe aussi des Toupins plus tolérants avec les Pafinis. C’est le cas de Ramo.
Il veut retrouver le peintre pour l‘amour d’une Pafinie : si le peintre acceptait de « coloriser » le visage de Claire et de terminer son travail, l’harmonie reviendra au sein du tableau.

Pourtant, dès qu’il s’agit des Reufs, Ramo est rattrapé par sa notion de classe. Ainsi, il ne s’adresse jamais à Plume ou alors sur un ton très condescendant.
Outré par le discours de ses semblables envers les Pafinis, il reproduit inconsciemment le même schéma avec les Reufs.
Graphiquement, Ramo possède des traits accentués : ils sont censés montrer détermination et audace.
Ramo

Ramo

Les Pafinis ne vivent pas au château mais dans des cabanes, dans le jardin, en lisière de la forêt.
Certains tentent toutefois encore d’être admis par les Toupains, quand d’autres ont des envies de révoltes.
« Pas finis », ils semblent paradoxalement avoir plus de libertés et de spontanéité que les Toupains.

C’est forcément le cas de Claire que l’on vient d’évoquer : son amour pour Ramo est le symbole du défi lancé à l’ordre social.
Claire

Claire

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Le tableau : l'affiche

Le tableau

L'AFFICHE

Nous ne reviendrons pas ici sur l‘étude de la composition de l’affiche définitive du film puisque celle-ci est analysée en page 1 du dossier pédagogique « Collège au Cinéma » édité par le CNC.

L’affiche 1 (c’est-à-dire la première affiche dans l’ordre chronologique du travail de création) est caractérisée par un travail sur le clair-obscur.
Le spectateur se trouve face à un environnement très sombre que seul un triangle de lumière en haut à droite éclaire. On remarque le cadre d’un tableau délimitant ce triangle. On y aperçoit déjà une silhouette féminine (la robe) qui semble se jeter dans le vide et l’inconnu. Le titre « le tableau » est manuscrit et souligné : il ressemble à une signature. Vient ensuite la simple mention du réalisateur. Il s’agit donc, à notre connaissance, de la première affiche du film ; c’est en outre la plus simple, la plus esthétique et la plus polysémique. C’est peut être aussi la plus anxiogène : combien de questions sans réponses pose t’elle ? quel est ce tableau que l’on ne voit pas ? qui est cette jeune fille qui se lance dans le vide ? pourquoi le fait elle ?...
L’affiche 1 Clair-obscur

L’affiche 1 Clair-obscur

Pour des raisons commerciales, la première affiche fut ainsi retravaillée : bien entendu, différentes mentions obligatoires apparaissent : noms des distributeurs et producteurs etc… On remarque également que la typographie du titre a changé pour devenir plus conventionnelle. Mais l’évolution la plus importante consiste en un travail d’éclaircissement de la zone sombre. cela permet l’apparition des planches de bois constituant le mur où est accroché le cadre. Des repères apparaissent ainsi, atténuant quelque peut l’impression d’angoisse que pouvait provoquer ce saut dans le vide.
L’affiche 2

L’affiche 2

Voici l’affiche définitive du film.
L’affiche définitive

L’affiche définitive

On voit apparaître les vignettes en bas, celles ci représentent en portrait différents personnages de l’intrigue. le distributeur pour des raisons de lisibilité commerciale a souhaité en effet que l’affiche soit davantage « « explicite » et plus dirigée le jeune public. Toutefois, graphiquement, ces quatre vignettes rapportées présentent peu d’intérêt : elles n’éclairent pas le dessin principal, cassent la composition et détruisent la sensation de vide très présente dans la première version. De plus, on constate que ces « portraits » ne sont pas réalisés spécifiquement pour l’affiche mais sont constitués de photogrammes issus du film. On notera également que la partie sombre est de nouveau éclaircie, le personnage est également plus éclairé.

Voici enfin ci-dessous deux affiches destinées à l’exploitation du film à l’étranger. Leurs approches sont radicalement différentes. Il pourra être opportun de les montrer aux élèves et de leur demander d’interpréter chacune d’elles.
L’affiche 4

L’affiche 4

L’affiche 4 bis

L’affiche 4 bis

On pourra étudier avec les élèves des exemples de représentation artistiques de sauts. Voici à titre d’exemple celui de Yves Klein :
Yves Klein

Yves Klein

L’image a été réalisée le 19 octobre 1960 rue Gentil-Bernard à Fontenay-aux-Roses par les photographes Harry Shunk et John Kender .
La photographie est publiée sous le titre « Un homme dans l’Espace ! »dans le journal « Dimanche », créé par Yves Klein et qui n’eu qu’un numéro, celui du 27 novembre 1960.

On pourra voir comment ce cliché a été réalisé en suivant ce lien sur le site laboiteverte.fr

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Le tableau : Un voyage dans le monde de l’art

Le tableau

UN VOYAGE DANS LE MONDE DE L'ART

Fine et élancée, Claire est marquée par une palpable fragilité.
Claire

Claire

Le dessin de son cou, de ses mains n’imite pas la réalité. Sa chaire blanche se détache de ses vêtements sombres, ce qui la fragilise d’avantage encore. L’ovale de son visage est épuré, les traits simplifiés. Elle semble avoir été dessiné avec une infinie tendresse.
En la créant, le peintre a peut-être pensé aux portraits de femmes de Modigliani.

"Femme aux yeux bleus", huile sur toile, vers 1918, Modigliani.

… le peintre, lors de la création de Claire, s’est peut être également inspiré des muses de Brancusi.

"Muse endormie", Bronze, 1910, Brancusi

Lola est bien une Pafinie, mais ne pas être terminée ne lui paraît pas essentiel. D’ailleurs, à la fin du film, elle choisira de ne pas peindre le bas de sa robe. Elle est ainsi et s’accepte comme telle. Elle ne fait aucune différence entre ses compagnons, Toupins ou Reufs…
Lola ne dit pas pourquoi elle veut retrouver le peintre sinon simplement « pour le rencontrer ». Après cette entrevue, elle continuera a parcourir le monde.
Lola

Lola

Quand le peintre a créé Claire avec ses habits de couleurs et ses traits, on peut penser qu’il a songé à Gaugin et ses femmes Tahitiennes.

"Femme tenant un fruit", Huile sur toile, 1893, Gaugin.

Les couleurs sombres du tableau sont associées au monde d’en bas, celui où vivent les Reufs, au fonds de la forêt, sans abris, cachés, invisibles...
Les couleurs sombres du tableau

Les couleurs sombres du tableau

Cette forêt semble faire peur, comme celles des contes pour enfants.

La démarcation nette du clair et de l’obscur fonctionne comme une frontière pour les uns et pour les autres. Ce photogramme le démontre parfaitement :
La démarcation nette du clair et de l’obscur

La démarcation nette du clair et de l’obscur

Cette frontière est pourtant transgressée dès le début : c’est ce qui vaudra à Gomme sa condamnation et son lynchage.

Plume et Gomme sont des esquisses de fusain : seuls leurs contours sont donc apparents. Ils sont fragiles et hésitants (Plume ne termine pas ses phrases et bégaie ).

Leur nom peut être dérivé de l’anglais « Rough » qui veut dire « brouillon ».
Le Reuf est donc une ébauche. Mais, contrairement à la place qui lui est attribuée au sein de la société du « Tableau », il est surtout une étape cruciale dans la création graphique d’un personnage.
Grâce à l’esquisse, le peintre recherche les lignes fortes de son œuvre future. Les étapes suivantes chercheront donc a en conserver la force.

Ainsi le sculpteur Giacometti pour qui le « dessin est à la base de tout ».
Dessin préparatoire, Giacometti.

Dessin préparatoire, Giacometti.

De grands artistes ont exprimé cette opinion sur leurs propres œuvres. Ils en avaient même tiré une théorie : « le non finito » de Michel-Ange ou « l’esthétique inachevé » de Rodin.
Certains portraits « non terminés » sont devenus célèbres comme ce « portrait inachevé de Bonaparte » peint par David.
« portrait inachevé de Bonaparte », Peinture à l’huile, 1798, David

« portrait inachevé de Bonaparte », Peinture à l’huile, 1798, David

Pour conserver cette énergie première de l’esquisse, les artistes adoptent souvent une méthode qui leur est propre.
Prenons l‘exemple du plus célèbre d’entre eux : Léonard de Vinci.
Il cherche, parfois plusieurs années, à ce que la forme achevée réussisse à préserver la dynamique originelle pour en transmettre le sentiment premier.
Léonard détermine la disposition générale grâce à ce qu'il appelle le componimento inculto («composition inculte»), une méthode inédite. Un brouillon instinctif qui laisse parler la main, superposant les idées et les lignes jusqu'à ce que le principal émerge.
Il travaillera ainsi 16 ans sur sa « vierge à l’enfant », la considérent encore inachevée à sa mort en 1519.

En voici différentes étapes de travail :
Léonard de Vinci vierge à l’enfant

Léonard de Vinci vierge à l’enfant

Léonard de Vinci 2 vierge à l’enfant

Léonard de Vinci 2 vierge à l’enfant

"La Vierge à l’Enfant avec sainte Anne", Huile sur bois , 1503-1519, Léonard de Vinci

On comprend maintenant mieux pourquoi, pour notre peintre, son tableau est bel et bien terminé : avoir dessiné les personnages est l’essentiel et « le fini » ou « pas fini » n’a pas vraiment de sens pour lui : le croquis a autant d’importance que l’œuvre finie.

La quête de nos personnages peut donc être pensé comme une « mise en abyme de la création », une métaphore de l’acte créatif. (cf à ce sujet les pistes pédagogiques de l'Académie de Poitiers (DSDEN 86) disponible sur le site du Normandie Images)

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