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Présentation :

Une capsule de cinq minutes dosée avec soin, pour se préparer à découvrir Incendies.
Texte de Mélanie Boissonneau :

Incendies est une adaptation libre de la pièce de théâtre éponyme de Wajdi Mouawad, artiste libano-québécois, qui dirige actuellement le Théâtre national de la Colline à Paris. 
Denis Villeneuve, le réalisateur, aime travailler une matière pré-existante. Vous connaissez peut-être ses versions de Dune (2021-2024) ou sa suite de Blade Runner (Blade Runner 2049). 

À l’origine d’Incendies, le film, il y un coup de foudre : celui de Villeneuve pour l’histoire, la mise en scène théâtrale et l’écriture de Wajdi Mouawad. Pour autant, lorsque Villeneuve s’attaque à l’adaptation, ça n’est pas pour rester collé au texte qui l’avait tant ému : « L’idée, nous dit-il, était de repartir aux origines de la pièce en oubliant le texte, et de la réécrire dans un langage cinématographique ». 

Ainsi, il procède par addition de motifs visuels qui guident le spectateur, comme le tatouage au pied de Nihad ou la séquence-clip qui ouvre le film. 
Par soustraction aussi : du texte, car les longs monologues sont difficilement transposables à l’écran, et de l’intrigue, en simplifiant les personnages, les élevant plus encore à l’état de figures tragiques. 

Le film de Denis Villeneuve est notamment marqué par le resserrement de l’intrigue autour des relations familiales. Ainsi, le procès et le témoignage de Nawal devant le Tribunal Pénal International sont supprimés du film, au profit d’un règlement intra-familial.
Pour autant, le film comme la pièce entretiennent un rapport intense à la tragédie antique. Le personnage de Abou Tarek rappelle Œdipe : comme lui, il a eu, sans le savoir, une relation incestueuse avec sa mère. La progéniture issue de ce viol sera, comme chez Sophocle, promise au sacrifice et sauvée de justesse, par le gardien de prison qui deviendra le concierge de l’école. À plusieurs reprises, les personnages du film sont aveuglés, convoquant le geste final d’Œdipe qui se crève les yeux en apprenant la vérité.
Et Chamseddine, qui met fin à la quête des jumeaux, se présente dans le récit comme  dans sa mise en scène, en Tirésias, le devin qui annonça la vérité au héros de Sophocle. On peut même relier l’idée du tatouage sur le pied à la traduction grecque du nom d’Œdipe : « celui qui a les pieds enflés ».

Œdipe n’est cependant pas la seule figure tragique à être convoquée dans le film : citons Romulus et Rémus auxquels renvoie l’affiche du spectacle dessinée par Lino fait, ou Antigone, figure de la résistance, dont Nawal est une variation.

Ces références plus ou moins explicites aux tragédies antiques n’empêchent pas le film (comme la pièce) d’être ancré dans un contexte géo-politique identifiable. Dès le premier plan du film, l’imaginaire du sud est convoqué, avec ses palmiers, ses bruits d’insectes et ses paysages arides. Si le pays n’est jamais nommé, on sait que le tournage a eu lieu en Jordanie et que le film évoque certes « toutes les guerres », selon la volonté du réalisateur, mais renvoie en particulier à la guerre civile libanaise et à l’occupation par Israël du Sud du Liban — ce Sud régulièrement évoqué par les personnages et le chapitrage du film. 
De plus, les agissements militants de Nawal et son emprisonnement à Kfar Ryat font explicitement référence au parcours de la militante communiste libanaise Soha Béchara. Après avoir infiltré comme professeur la famille du général Antoine Lahd, chef de l’armée du Liban Sud, elle tenta de l’assassiner en 1988 et fut enfermée dix ans dans la terrible prison de Khiam. Elle y subira, comme l'héroïne d’Incendies, les pires sévices. Nawal dans la fiction comme Soha dans la réalité deviennent des figures politique et médiatique presque mythiques. Nawal apparaît ainsi en militante au travers des archives photographiques avant d’élevée au rang de mythe par son surnom « La femme qui chante », symbolisant pour tous la résistance à l’oppression, à la torture, à la déshumanisation.

Car Incendies, bien que construit sur une mécanique universelle de la tragédie, questionne le rôle des images, qu’elles soient documentaires ou de fiction, d’archives ou d’actualités. Enfin, comme en témoignent les propos du réalisateur et de ses acteurs, professionnels ou non, Incendies est surtout un film sur la colère, le silence et les blessures.

CONTACTS

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Professeure détachée service éducatif
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