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Shadows

projet artistique et culturel coordonné par Normandie Images (dispositif Passeurs d’Images)

Centre de Rétention Administrative, Oissel (76)
Décembre 2020

 © Marie-Hélène Labat

Le centre de rétention de Oissel retient des hommes et des femmes étrangers en situation irrégulière. Ils sont privés de leur liberté le temps de la régularisation de leur dossier pour une période ne pouvant excéder 90 jours (mais en moyenne de 14 jours) comme le prévoit la procédure. 55 % de ces personnes resteront en France, 45 % seront reconduites dans leur pays d’origine.

Ces personnes n’étant le plus souvent pas francophones, les contacts avec les agents de police chargés de leur rétention sont limités. Dans ces lieux d’attente, les activités occupationnelles étaient jusqu’à présent inexistantes. L’équipe de policiers en charge de la coordination du CRA a souhaité mettre en place ce projet afin de tenter de rendre le séjour des personnes moins pénible, de réduire les tensions et de concourir à ce que les personnes retenues ne consomment pas trop d’anxiolytiques. L’attention des policiers chargés de la coordination du centre s’est portée vers les activités culturelles et artistiques avec pour volonté d’humaniser la rétention. C’est ainsi qu’un contact a été pris avec Normandie Images qui a imaginé une proposition d’action sur mesure.

Le centre de rétention administratif de Oissel accueille, depuis quelques mois maintenant, deux artistes dans le cadre du projet Shadows. Elles proposent des ateliers de création artistique à l’attention des personnes retenues. Ces ateliers se déroulent de manière hebdomadaire tous les lundis après-midi pour une durée d’1h30 chez les femmes ou les couples puis d’1h30 chez les hommes.

La présence des deux artistes s’organise à l’instar d’une résidence : elles investissent l’espace et invitent les personnes retenues à les rejoindre, en ménageant la possibilité de participations ponctuelles, éphémères ou plus récurrentes. Le travail peut se faire par petits groupes comme de manière individuelle. Les techniques utilisées sont diverses, photographie, vidéo, arts plastiques, écriture s’entremêlent. Les créations des personnes retenues peuvent être réalisées sur divers supports incluant les murs des espaces collectifs du centre. Ainsi chaque personne apporte « une suite » à ce qui a été créé précédemment par d’autres, chaque personne laisse une trace de son passage.

Lors d’une séance, l’artiste plasticienne s’installe dans le patio du CRA. Elle explique l’atelier aux quelques hommes retenus présents. Elle commence par tracer un premier trait au Posca tout le long du mur. Ils doivent maintenant suivre ce trait. Elle s’inspire d’un mouvement artistique des années 1970, appelé “Fluxus”, qui a défini différents protocoles de création simples que chacun peut s’approprier. Cette manière de dessiner permet à tous de participer car il n’est pas nécessaire de savoir dessiner. Au début de l’atelier, les hommes ne sont que 3 à participer et beaucoup sont dans l’observation. Lorsque les premiers traits apparaissent, les mains sont encore hésitantes et les personnes retenues prennent leur temps pour bien faire. A force de pratiquer, le mouvement devient plus assuré et plus facile. Au fur et à mesure de l’après-midi, d’autres hommes participent à ce projet et la liberté artistique de chacun peut s’exprimer. Certains prennent un crayon et vont dessiner sur une autre partie du mur. Certains prennent même l’initiative de ne plus suivre le trait initial et d’y apporter des arcs de cercle. Les hommes sont volontaires et posent des questions sur la pratique du dessin. Des talents cachés se révèlent !

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Chaque semaine, la photographe apporte les images qui ont été faites la séance précédente. Généralement, ce sont des images de groupe reprenant les codes de la culture populaire mondialisée et amplifiée par les réseaux sociaux. Pour les sortir de leur posture, elle essaie d’apporter des images retravaillées ou elle installe les personnes dans un environnement enrichi. Petit à petit, les sujets, curieux, rentrent dans le jeu de l’image et posent ou prennent l’appareil. La séance du lundi est attendue, l’intervenante a récemment installé une petite exposition, des garçons sont venus spontanément l’aider. La surprise était au rendez-vous, le ressenti ultra-positif. « Comment l’environnement influence-t-il la personne que nous sommes » est la question qu’elle propose au cœur de ce dialogue en images.

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Cette expérimentation est très positive, les artistes font maintenant “partie du paysage” du centre et sont attendues par les personnes retenues. Ce projet sera valorisé début 2022 grâce à un petit objet multimédia, un film mêlant vidéo, photos, son, musique et une petite édition des réalisations des personnes retenues et des intervenantes.

Avec le soutien du Ministère de l’Intérieur (DGEF) et de la DRAC