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L’HUMANITÉ EN QUESTION

L’adulte : aveugle et invisible

Chez Spielberg, le traitement du thème de l’enfance exclut de facto les adultes : ceux-ci sont donc absents de son champ de vision. Pour que nous nous identifions pleinement à Elliot (et par extension à E.T.), Spielberg a ainsi minutieusement évincé les figures adultes par une mise en scène à hauteur d’enfant.
Ici, seule la figure maternelle a droit de cité. Mais elle semble étrangement lointaine, aveugle à ce qu’il se passe sous son propre toit. Souvenons-nous de la scène édifiante où elle est incapable de voir E.T. qui se promène sous son nez… Les autres adultes n’apparaîtront que furtivement dans le cadre par fragments : ici une main, là-bas une jambe… À la manière de Tex Avery, influence d’ailleurs revendiquée par le cinéaste.
Pour traquer E.T., puis tenter de le sauver, les scientifiques disposeront d’un incroyable déploiement de moyens qui ne serviront finalement à rien. Ils n’auront pourtant de cesse de tenter de visualiser, d’évaluer, d’enregistrer, de disséquer même, ce qui ne peut que leur échapper. Ils sont en définitive le reflet d’une certaine folie de notre société, latent dès la scène d’ouverture avec un mystère qu’ils ne peuvent comprendre. Dans le monde d’Elliot, les adultes sont décidément incapables de cerner ce qui nous touche au plus profond.
L’un d’entre eux aura toutefois un destin particulier. Anonyme, il est identifié dès le début par ses clés. Il sera le seul à exprimer sa connivence avec Elliot. Il est le premier adulte à se mettre à sa hauteur (qui est aussi, finalement, celle de E.T.) en se baissant pour lui parler. Il ira aussi jusqu’à revendiquer la part d’enfant qui est restée en lui : « Ce qui vient d’arriver, je l’attends depuis l’âge de 10 ans ». Quant aux autres scientifiques, il faudra attendre que E.T. meure pour qu’ils retirent leurs masques et dévoilent enfin un visage humain…
Le premier adulte qui se met à la hauteur d’Elliot
Spielberg aura épuré avec E.T. le genre de la science-fiction pour n’en garder qu’une figure : celle d’un extraterrestre étranger à notre monde, c’est à dire celle de l’altérité. Cet « autre » qui lui permet de jeter un regard neuf sur notre monde, comme un miroir réfléchissant.

Humain ou extraterrestre : qui est le monstre ?

Voir la partie de la fiche interactive d'Edward aux mains d'argent « histoire des monstres »

Extraterrestres versus scientifiques

Le cinéaste fait exactement le contraire de ce à quoi on est habitué dans les films de science-fiction, en inversant les valeurs attendues. L’arrivée des extraterrestres est montrée comme paisible et harmonieuse ; le spectateur doit ressentir immédiatement de l’empathie pour le petit E.T., en adoptant en vision subjective son regard bienveillant pour la faune et la flore terrienne.
Des extra-terrestres en harmonie avec la nature, des hommes agressifs
C’est l’arrivée des scientifiques, pleine de bruits et d’agressivité, qui provoque le chaos. S’ils voulaient entrer en contact avec les extraterrestres, la brutalité dont ils font preuve ne pouvait qu’effrayer ces visiteurs ! Leur représentation est particulièrement révélatrice : ils nous sont montrés soit comme des corps sans têtes, soit comme des silhouettes inquiétantes.

Les scientifiques resteront ensuite dans toute la première partie du film des ombres distillant une menace latente et oppressante. Pour arriver à leurs fins, ils peuvent même employer des moyens immoraux sans se poser la moindre question : ainsi la population est mise sous surveillance, et toutes les conversations sont épiées.
Cette menace devient concrète dans la seconde partie du film. Rappelons-nous la scène où les scientifiques investissent la maison d’Elliot. On assiste alors à une véritable invasion : les cosmonautes s’infiltrent par tous les accès, braquant des faisceaux de lumières aveuglants et menaçants.
On peut également comparer les lumières produites par le vaisseau, ou le halo qui sort de la cabane où E.T. s’est réfugié, avec celles, beaucoup plus agressives, qui sont produites par les voitures, les lampes torches ou les projecteurs des scientifiques. Des deux espèces en présence, ce n’est pas celle qui vient d’ailleurs qui semble la plus dangereuse.

Le personnage de E.T.

L’un des tours de force du film réside dans la création de cet extra-terrestre à contre-courant des archétypes attendus. E.T. est un personnage innocent et doux, dont la perception du monde tient pour beaucoup dans son pouvoir de fascination. Le tout presque exclusivement par l’image et une grande économie de mots, qui confèrent au personnage une dimension cinématographique universelle.
Pour la conception de sa créature, Steven Spielberg n’avait donné d’une indication : « seule la mère de cette créature doit pouvoir l’aimer. » Spielberg aurait ensuite pris une paire de ciseaux, quelques photos, et aurait construit son extraterrestre avec :
le front d’Einstein
la bouche et les yeux du poète américain Carl Sandburg
le cœur du Christ
le cœur d'E.T.
l’arrière train de Donald Duck
Voici quelques recherches graphiques, où l'on peut découvrir plusieurs évolutions envisagées pour le personnage. Cette page de croquis dédiée aux expressions et grimaces du petit Alien découvert par Elliot est captivante !
On découvre à quel point le personnage a évolué. Son visage fut tout à tour plus rond ou plus émacié, ses yeux plus grands, ses narines plus ou moins visibles… Ces esquisses sont le fruit du travail d'Ed Verreaux, qui travailla pour Spielberg en tant qu'illustrateur (notamment sur les trois Indiana Jones et L'Empire du soleil).
L’extraterrestre aura finalement un visage proche de celui d’une personne âgée avec un regard à la fois léger, savant et triste.
E.T. est en fait une marionnette animée en animatronique : il s’agit d’une peau de latex remplie, de mécanismes internes robotisés et radiocommandés. Aucun effet numérique n’est donc utilisé pour donner vie à E.T. et on est en droit de penser que ses mouvements limités accentuent sa fragilité.

Analyse de l'affiche

L’affiche de E.T. présente un arrière-plan en presque totalité constitué d’un ciel étoilé où l’on peut deviner des galaxies lointaines (en haut à droite) ; le dernier quart, inférieur, représente un bout de notre terre.
Au premier plan, on voit deux mains et doigts qui se rejoignent semblant donner naissance à une nouvelle étoile. L’une de ces mains ressemble à celle d’un jeune humain. L’autre, presque squelettique, peut faire penser à une main de vieillard. Pourtant, on devine qu’il ne s’agit pas de cela. Elle reste mystérieuse. L’avant-bras coupé au dessus du coude ne nous permet pas de voir à qui elle appartient. Sous ces mains nous pouvons lire « un film de Steven Spielberg » et, en lettres blanches et lumineuses comme des étoiles « E.T. » : les initiales de « extraterrestre ».
Enfin, nous lisons cette accroche : « Il a peur, il est seul, il est à 3 millions d’années lumières de chez lui »

Cette affiche est à la fois simple et efficace : tout y est dit, ou presque.
On sait que cet avant-bras étrange appartient en fait à un extraterrestre. Celui-ci sera sans danger pour l’humanité : la main de l’extraterrestre et celle du jeune humain se rejoignent, créant une lumière signifiant le caractère déterminant et positif de cette rencontre.
Référence directe à La Création d’Adam, l’une des neufs fresques inspirées du livre de la Genèse peintes par Michel Ange dans la chapelle Sixtine au Vatican… c’est un geste de transmission et de don liant Adam à Dieu. Pour Elliot, la rencontre avec E.T. sera, en effet, transcendante.
Voici d’autres affiches du film :
Certaines viennent des USA, d’autres d’Europe ou encore d’Asie…
On pourra comparer ces différentes affiches avec les élèves et relever les sentiments contradictoires ou complémentaires qu’elles provoquent.