EPISODE 3 Première rencontre avec les jeunes de l’INJA

16 mars 2016
Toute l’équipe de l’atelier audio-description est venue rencontrer les jeunes de l’Institut National des Jeunes Aveugles

Anas, Maëva, Cathiana, Théo, Jermaine, Malika et Nolwenn qui ont réalisé l’audio-description des films « Aglaée » et « La Seine coulait au bord des Nids« , sont tous présents pour ce temps fort accompagnés de Céline et Anne-Sophie leur « éducs ». Nous retrouvons avec plaisir, sur place, Anaïs et Marie, « nos » audio-descriptrices préférées !

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En haut de gauche à droite : Jermaine, Anaïs, Maëva, Cathiana En bas : Anas, Malika, Nolwenn, Marie, Théo, Anne-Sophie.

Dès notre arrivée, nous sommes accueillis chaleureusement par Sébastien et Adeline, leurs éducateurs, ainsi que par Yohan et Christophe qui sont collégiens à l’INJA. Ils nous expliquent le programme de l’après-midi : d’abord ils vont nous faire visiter l’établissement et découvrir des ateliers, puis nous leur présenterons les films audio-décrits par les ados de Duclair et nous pourrons en discuter autour d’un goûter.

Visite de l’INJA

L’établissement a été fondé par Valentin Haüy en 1784 et Louis Braille y fut élève puis professeur. L’INJA accueille des enfants et adolescents mal et non-voyants de la grande section à la terminale. Les élèves sont présents du lundi au vendredi sur les périodes scolaires. Le mercredi après-midi comme aujourd’hui, il n’y a pas école et les élèves peuvent participer à différentes activités.
Nous entrons dans une salle de classe, les classes accueillent entre 4 et 11 élèves. Nous découvrons une machine Perkins qui sert à écrire en braille, elle est utilisée par les professeurs pour demander un exercice écrit et par les élèves. Tout le monde pose des questions pour mieux comprendre le fonctionnement de l’établissement et le quotidien des jeunes accueillis ici.
Nous visitons une chambre, les chambres accueillent 2 ou 3 jeunes. La plupart des élèves sont internes, certains viennent de très loin et ont une famille d’accueil pour le week-end.
Nous apercevons la salle de sport où des jeunes vont s’échauffer avant de jouer au torball mais nous reviendrons plus tard pour qu’ils nous fassent une démonstration de leur sport.
Nous allons voir l’atelier cuisine, des jeunes qui viennent régulièrement à cet atelier sont en train de préparer un gâteau libanais. Nolwenn se demande comment on fait pour couper quand on ne voit pas. L’éducateur lui prend les mains et le guide dans la réalisation de ce geste, qui nécessite évidemment de bien placer ses doigts. Nolwenn semble surpris d’avoir réussi.
En passant dans le couloir, nous apercevons la salle de musique et nous entendons une jeune fille qui chante avec une très belle voix.

Découverte du torball

Nous assistons à un match de torball, un sport adapté pour les personnes ayant une déficience visuelle. Christophe, qui nous a accueilli à notre arrivée, est sur le terrain. Nous sommes impressionnés par la précision avec laquelle les joueurs rattrapent le ballon étant donné que comme ils ne le voient pas, tout se fait à l’oreille.  Leur professeure de sport nous demande nos impressions et nous explique les règles. Nous réalisons que le grelot du ballon n’est pas si sonore que ça. Nous apprenons que les joueurs vont bientôt disputer une compétition. Puis on nous propose de jouer. Les joueurs de torball nous prennent sous leur aile, et nous bénéficions chacun des conseils et appréciations d’un coach.

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Théo et Jermaine équipés de lunettes occultantes pour jouer au torball.

Les règles du torball

Le torball respecte les règles établies par l’Association des sports pour non-voyants, qui tiennent compte du handicap des joueurs. Chacune des deux équipes est composée de trois joueurs. Chaque partie est divisée en deux mi-temps de cinq minutes chacune, avec une pause entre les deux. Le but du jeu est de marquer le plus de buts possible. En cas d’égalité, des prolongations ont lieu. Les tirs s’effectuent uniquement à la main en lançant le ballon sous des ficelles sonores disposées à 40 cm du sol au milieu du terrain, tandis que les défenseurs utilisent tout leur corps pour dévier, arrêter ou attraper le ballon.  Lorsqu’un joueur a la balle, il peut aussi faire une passe à ses coéquipiers sachant qu’il est interdit de parler. Lors des tirs les joueurs doivent être en position d’attente (à genoux sans que les pieds ne touchent les fesses) et ne doivent pas toucher le tapis avec les mains. Les joueurs doivent tous avoir un masque opaque par souci d’égalité. Afin d’éviter toute triche, les joueurs ne doivent pas toucher leur masque pendant le match.

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Théo, Malika et Jermaine en pleine concentration. Jermaine va se lever pour tirer.
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L’équipe adverse, composée de Anas, Nolwenn et Jermaine,  est prête à recevoir le tir.
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Le ballon arrive, tout le monde se positionne à l’oreille.
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Le tir est dévié.
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On passe à l’action suivante. Jermaine essaie de rattraper la balle, il le touche, le ballon passe trop à droite, le but n’est pas marqué.

Nolwenn, Anas et Anne-Sophie jouent contre Malika, Jermaine et Théo.  Résultat 1-1.

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Cathiana et Maëva, les supportrices !

Suite de la visite

Ensuite, nous découvrons la salle de locomotion. C’est un espace où les jeunes peuvent toucher des maquettes, des objets pour apprendre à percevoir comment est fait un bus, un quartier… pour mieux se repérer dans l’espace à l’extérieur. Certains parcours sont appréhendés grâce à des aimants placés de façon à reconstituer une rue, des obstacles… afin de pouvoir visualiser mentalement un itinéraire puis ensuite de se déplacer de façon plus sécurisée. Quand des éducateurs sont employés à l’INJA, un professionnel les sensibilise aux réalités vécues par des personnes déficientes visuelles: par des activités où ils ne voient pas ou en mettant des lunettes spéciales qui permettent de se rendre compte des différents types de handicaps visuels. Par exemple, la vision binoculaire où le champ de vision est très limité et est réduit à un tout petit espace comme si on regardait un minuscule tuyau… Adeline nous fait essayer les différentes lunettes.

Pendant notre visite, nous faisons beaucoup de rencontres. Les jeunes de Duclair se présentent et expliquent qu’ils vont présenter deux films qu’ils ont audio-décrits. Certains collégiens sont un peu intimidés par les visiteurs que nous sommes, d’autres nous posent des questions, une jeune fille nous raconte amusée qu’elle croyait que nous étions des nouveaux élèves accueillis!

Les éducateurs nous expliquent que les élèves de l’INJA ont envie d’être des jeunes comme les autres. Ils ont des portables mais qui ont des applications sonores.

Projection

Quand nous arrivons au foyer, lieu de la projection, une trentaine de jeunes nous attendent. Des éducateurs et Moussa Dabo, chef de service, sont présents.

Les ados se présentent (âge et prénom) et présentent « La Seine coulait au bord des Nids ». Cathiana, Anas, Malika, Maëva ont participé à la réalisation de ce film. Cathiana parle de ce que les jeunes vont « voir » dans le film puis se reprend pour dire « enfin non vous ne pouvez pas voir, mais vous allez entendre le film« . Ce n’est pas grave, elle s’exprime simplement et ça ne semble pas être un problème. Il semble que les jeunes aveugles parlent eux-même de voir un film et le disent comme les autres.
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Pendant la projection, les spectateurs semblent très concentrés, certains ferment les yeux.

A l’issue du film, il y a tout de suite des réactions. Willy dit : »C’est vrai ce que vous dites dans le film? » Les jeunes répondent que oui, mais que ce n’est qu’une partie de ce qu’ils ont vécu. Marie précise que ce sont des témoignages. Il dit : »Mais c’est tragique! » Un éducateur lui explique que les jeunes parlent d’eux. Anne-Sophie précise que le réalisateur les a aidé à dire ce qu’ils avaient en eux. « C’est bien audio-décrit, on comprend bien. » « C’est courageux« .
Anne-Sophie demande si l’utilisation de la maquette de la maison a fait sens pour eux? Une jeune fille répond : « Je pense que la maison représente le lieu où les jeunes vivent ensemble« . Effectivement, nous expliquons que contrairement à l’INJA qui est un grand bâtiment, les jeunes des Nids vivent dans des maisons où ils sont 7, qu’elles ressemblent à une maison classique avec la salle à manger, la cuisine, les chambres… Nolwenn dit : »C’est un peu comme une famille« .

Marie demande aux jeunes si l’audio-description est claire, si le volume de la voix est adaptée.
Willy dit qu’il y a des jeunes qui ont des problèmes d’élocution : Marie précise que les jeunes ne sont pas des acteurs. Anas précise qu’il ne parlait pas encore très bien français dans le film et que c’est pour ça qu’il n’a pas voulu prêter sa voix pour l’audio-description d’Aglaée.

Pendant le film « Aglaée », il y a beaucoup de rires ! Les personnages du film sont des ados, et forcément ils parlent et se charrient comme des ados !
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Après la projection du film Aglaée, la parole circule à nouveau. Une jeune dit : « Ca ressemble au film « Le nouveau » « , remarque très pertinente puisque les deux films sont du réalisateur Rudi Rosenberg et qu’on retrouve des personnages d’Aglaée dans le long-métrage. Plusieurs jeunes de l’INJA connaissent « Le nouveau« , certains l’ont écouté avec l’audio-description, d’autres sans.

Marie demande aux jeunes s’ils préfèrent visionner les films avec ou sans audio-description, car elle sait que certaines personnes préfèrent sans. Les jeunes répondent qu’ils apprécient l’audio-description, que ça les aide vraiment à comprendre et à apprécier un film.

La discussion est intéressante, jeunes et moins jeunes s’expriment, filles et garçons… Les jeunes de Duclair expliquent qu’ils ont essayé de choisir les bons mots pour que l’audio-description soit claire. Marie dit que la description du handicap a été un sujet de réflexion, les spectateurs la trouvent bien faite. Un jeune dit que dans certaines scènes d’Aglaée, « c’est compliqué quand les personnages parlent tous en même temps« .

Après les deux films, les ados des Nids sont applaudis, il y a aussi des remerciements.

Après la projection, nous partageons tous un goûter, les discussions se prolongent en petits groupes. Anas, Nolwenn et Jermaine discutent avec Jean-Baptiste et un autre jeune ainsi que leur éducateur Sébastien. Jermaine explique qu’il a hésité à venir mais qu’il est venu pour eux pour les rencontrer. Sébastien nous dit que la veille de notre venue quand notre visite a été expliquée aux jeunes, Jean-Baptiste a dit que ce serait bien que les jeunes de l’INJA fassent un film eux-aussi. A la sortie de la projection, cette envie semble s’être renforcée.
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Un des éducateurs de l’INJA explique que parfois les jeunes aveugles pensent que les voyants sont des gens ordinaires qui n’ont pas de problèmes. Le film « La Seine coulait au bord des Nids » a pu leur faire découvrir d’autres parcours, une autre réalité que certains ne soupçonnaient sans doute pas. Du coup, l’échange est dans les deux sens, chacun s’intéresse à l’autre.

Ce n’est pas facile de partir, car tout le monde est dans l’échange. Heureusement, nous savons que nous revenons dans deux semaines pour participer ensemble à un Festival d’audio-description autour du film « De toutes nos forces » de Nils Tavernier.

Malika est émue en repartant : « Ca m’a fait plaisir de rencontrer les jeunes de l’INJA. C’est formidable d’avoir rencontré des personnes comme ça ! Tu fais ça une fois dans ta vie ! » (sauf qu’on va le faire au moins deux fois puisqu’on revient dans deux semaines !) « Il y a une jeune fille qui m’a donné des perles sans rien dire ». Elle a trouvé aussi que l’INJA ressemble à l’école d’Harry Potter !

Nolwenn a bien aimé le torball, « Je vais en faire dans une chambre!« . Il dit qu’un des jeunes avec qui il a discuté veut être DJ mais que comme il est aveugle, il ne peut pas. Nolwenn dit « Pourquoi on pourrait pas faire un film avec eux? Ou du théâtre et de la vidéo? » (Nolwenn fait référence à notre sortie de la semaine dernière).

Nous remercions tous les jeunes et l’équipe de l’INJA pour leur accueil. Les ados de Duclair ont été enchantés de cette rencontre.

Parcours de découverte et de pratique artistiques